Avant toute tentative de définir
cette notion, nous tenons à rappeler qu’il est difficile de donner une
définition assez exacte à la littérature qui fait l’unanimité chez l’ensemble
des spécialistes.
Dans cette perspective, nous
avons préféré remonter aux origines de cette notion, à travers les époques et
les ères, du latin jusqu’à nos jours en passant par les différents siècles. Le
mot littératures vient du latin médiéval « littératura » qui veut dire « écriture ». Alain
Rey, précise qu « ’en latin médiéval, littérature définit la langue savante par
rapport au vulgaire »
De cette distinction entre savante/vulgaire,
une première tentative pour définir la littérature voit le jour. C’est au début
du XVème siècle, que le mot littérature est employé surtout pour désigner la
culture générale. Dans l’Essai d’un dictionnaire universel Furetière, définit
la littérature comme « Doctrine, connaissance profonde des Lettres. Sealiger,
Lipse et autres critiques modernes étaient des gens de grande littérature,
d’une érudition surprenante» Considérés de grande littérature ceux qui sont
pourvus de ce don. Le mot littérature est donc associé aux connaissances
profondes, par opposition aux connaissances donc traitées de banales et
courantes, celles possédées par tout être humain.
Le dictionnaire de l’Académie que
Furetière avait devancé de quatre ans définit la littérature comme étant une
science, une doctrine à part entière « Toute sorte de science et de
doctrine.[…] Grande littérature, profonde littérature, il est homme de grande
littérature, il n’a point de littérature, il a beaucoup de littérature. »
Domaine spécifique, la
littérature est considérée comme une propriété privée réservée aux poètes, aux
orateurs, souvent, ceux qui savent parler et influencer.
Savoirs réservés aux experts et
aux doctes, la littérature est synonyme des Belles-lettres. Richelet en 1680,
pour définir la littérature écrit « Science des Belles-lettres. Honnêtes
connaissances, doctrines, érudition. »
Quant à l’Encyclopédie
"Lettres" « Ce mot désigne en général les lumières que procure
l’étude, et en particulier celle des Belles-lettres ou de la littérature. […].
Il en résulte que les Lettres et les sciences proprement dites ont entre elles
l’enchaînement, les liaisons et les rapports les plus étroits »
Au sens plein de la notion, la
littérature est l’ensemble des productions des écrivains. Elle est influencé
par le caractère national, par les idées et les mœurs, par la religion, par le
tempérament de l’auteur, de sorte qu’il existe autant de littératures diverses
qu’il y a de communautés différentes, dans ce sens Mme De Staël écrit « Je me
suis proposé d’examiner quelle est l’influence de la religion, des mœurs et des
lois sur la littérature, et quelle est l’influence de la littérature sur la
religion, les mœurs et les lois » Louis Porcher ne vient que confirmer les
principes de Mme de Staël quand ce dernier affirme « Enseigner les littératures
c’est montrer aux élèves, à travers les textes, les mœurs et les institutions
des sociétés, remettant en cause la croyance communément répandue parmi les
enseignants comme quoi la littérature n’intéresse pas au plus les apprenants de
la langue » Le sens de la notion littérature ne cesse d’évoluer et ses
revendications s’élargissent au fur et à mesure que le nombre d’écrits
littéraires qui émergent des bibliothèques et des librairies; vêtus de toutes
les couleurs et goûts, ce qui rend la littérature un monde à part entière avec
ses propres composantes et ses propres règles, ce qui a poussé Barthes avec
beaucoup d’autres, à revendiquer le statut particulier de la littérature «
L’œuvre est essentiellement paradoxale […] elle est à la fois signe d’une histoire
et résistance à cette histoire […] En somme dans la littérature, deux
postulations: l’une la littérature est
institution: l’autre psychologique, dans la mesure où elle est création. Il
faut donc, pour l’étudier, deux disciplines différentes et d’objet et de méthode
historique; dans le premier cas, l'objet, c'est l'institution littéraire, la méthode,
c'est la méthode historique dans ses plus récents développements: dans le
second cas, c’est l’investigation psychologique »
Art de l’art, la littérature
acquiert de cette diversité une épaisseur, un mystère, une certaine ambiguïté,
son champ d’investigation s’est élargi, elle ne s’intéresse plus qu'a
l’esthétique littéraire, mais à la sociologie, l’idéologie, la psychologie, la
socio-linguistique, etc. Escarpit explique dans cette citation que l'intérêt du
mot littérature venait de sa polysémie « Il est visible en effet que les sciences
de la littérature actuelles reposent chacune sur un postulat propre qui exprime
un des contenus contradictoires du mot littérature. Il y a une science esthétique,
une science idéologique, une science sociologique de la littérature. Sans doute
est-il possible de jeter entre elles des ponts, d’ouvrir des portes, mais on
peut redouter que le mot littérature ne survive pas à l’opération. C’est une série
d’ambiguïtés qui fait sa fortune. Il est possible qu’un effort de clarification
la perde à jamais. »
.
La littérature se dérobe à une
saisie immédiate, abolit toute transparence pour que les parfums, les couleurs
et les sons se répandent et apportent à l’écrivain et à son lecteur cette
ivresse qui n’existe nulle part que dans le monde de la littérature. Par
l’expérience qu’elle libère, la littérature se veut charmante, intéressante;
elle séduit et instruit en même temps.